Le 18 novembre dernier, quelques étudiants du BTS Bioanalyses en laboratoire de contrôle (BioALC) ont manifesté un certain empressement à déposer leur blouse dans leur casier. Départ imminent pour le Théâtre 13 à quelques pas du lycée. De la Science pour la journée, de l’Art pour la soirée…
Nous pressons le pas pour rejoindre Yselle Bazin (chargée des relations avec le public) au Théâtre 13. Elle nous attend pour une visite insolite du théâtre et pour nous montrer l’envers du décor. Et quel décor ! Le modèle réduit d’une maison qui tient dans une semi-remorque. Une scénographie réaliste pour une pièce dramatique au programme du bac français il y a 2 ans.
Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce trouve naturellement sa place dans les enseignements du bloc 4 du BTS BioALC – relations professionnelles au laboratoire – qui, de manière à peine masquer, visent à développer les compétences psychosociales (CPS) des futurs techniciens de laboratoire.
Juste la fin du monde, dont la portée n’est pas simplement autobiographique, qui rappelle la querelle fraternelle entre Abel et Caïn et qui puise dans les tragédies du théâtre antique, fait le récit d’un drame fondé sur l’impossibilité pour les membres d’une famille à communiquer et à sortir du rôle dans lequel ils se sont enfermés, même face à l’impérieuse nécessité pour Louis de restaurer le dialogue et d’apaiser les tensions qu’impose l’imminence de sa mort.
Du point de vue des CPS, ce récit est riche de sens à bien des égards. Par exemple, il démontre le lien de causalité entre CPS intra-personnelles (cognitives et émotionnelles) et interpersonnelles (sociales), le développement des premières conditionnant celui des secondes. On observe comment l’incapacité d’Antoine (frère de Louis) à réguler sa colère, à l’exprimer de façon constructive, le rend agressif entravant sa capacité à interagir et communiquer avec les autres, ce que met très bien en exergue la mise en scène de Guillaume Barbot dans la deuxième partie de la pièce.
La pièce n’épargne pas Louis qui peine à « donner la réplique » et manifeste, dans ses échanges, une froideur et un manque d’empathie apparents.
Les difficultés communicationnelles des deux frères, dont la relation est empreinte de rivalité, rejaillissent sur toute la famille engendrant un malaise généralisé dans la communication des uns avec les autres, rendu explicite par l’emploi récurrent de l’épanorthose, une figure de style qui consiste à reformuler constamment ses propos pour tenter de trouver les mots justes.
Rien à dire, le théâtre, cet art vivant qui articule corps et voix, vient de démontrer, encore une fois, sa puissante capacité à nous interroger sur des intemporels du monde humain par l’expérience sensible.
Faire et voir du théâtre ne devraient plus être une option par les temps qui courent.