Jouons à débattre sur le technosolutionnisme !
Pour la « première » de la Masterclass en octobre dernier, les élèves avaient rejoué le procès entre la société de consommateurs Euroconsom et l’entreprise Datavision spécialisée dans les augmentations, des technologies qui accroissent les performances de l’homme.
Cinq mois plus tard, nous « remettons le couvert » pour apprécier pleinement les bienfaits des ateliers artistiques sur les compétences orales et psychosociales mobilisées dans une nouvelle séance de Jouer à débattre qui porte cette fois sur des innovations tout droit issues de la biologie de synthèse [1].
Les deux tours jumelles de Saint-Thom, l’un des villages implantés dans la communauté d’agglomération de Saint-Eize, hébergent Orbioz, une licorne[2] qui développe des biotechnologies du futur dans ses laboratoires : des chênes pour remplacer les lampadaires dans les villes, des cultures végétales au rendement spectaculaire pour nourrir les hommes toujours plus nombreux sur la planète, des bactéries pour produire une nouvelle source d’énergie à partir du CO2 atmosphérique, pour dépolluer les eaux contaminées par les métaux lourds issus de l’industrie ou pour diagnostiquer les cancers, l’une des principales causes de mortalité dans le monde.
Orbioz propose à tous les villages de la communauté d’agglomération de Saint-Eize de mettre à leur disposition ses inventions pour améliorer la qualité de vie de leurs habitants. Les conseils municipaux des villages de Saint-Thom, Saint-Eize, Saint-Hillemand, Saint-Glais et Saint-Coussisse doivent donc se réunir pour adopter ou rejeter l’implantation de ces inventions dans la communauté d’agglomération. Les intérêts de chacun des villages rencontrent-ils ceux de la communauté d’agglomération ? Là est la question.
Dans le jeu de rôles Jouer à Débattre sur la biologie de synthèse, nos 16 élèves de la Masterclass se retrouvent dans la peau de conseillers municipaux. Ils sont répartis en 5 groupes distincts représentant chacun un village de la communauté d’agglomération de Saint-Eize : Saint-Thom, Saint-Glais, Saint-Coussisse, Saint-Hillemand et Saint-Eize.
Les membres de chaque conseil municipal disposent de deux ressources :
- Un descriptif du village qu’ils administrent (âge moyen et densité de la population, activité dans le secteur agricole, industriel ou tertiaire, type d’environnement et de climat…) et des liens qui existent entre l’activité de leur village et celle des villages voisins (par exemple, les cultures de betterave de Saint-Coussisse sont irriguées par l’eau du barrage de Saint-Hillemand ; le sucre des betteraves de Saint-Coussisse permet de fabriquer une matière première par les industries de Saint-Glais pour les entreprises de Saint-Eize).
- Un résumé technique et scientifique pour chacune des cinq inventions d’Orbioz ainsi que deux témoignages contradictoires recensant des arguments favorables et défavorables à l’invention dont il est question dans le résumé.
Le jeu s’organise en cinq tours, un tour par invention. À chaque tour, le même schéma de jeu se répète :
- PHASE 1 – débat de 5 min mené au sein de chaque conseil municipal pour décider s’il donnera sa voix ou non en vue de l’adoption de l’invention par la communauté d’agglomération. Un argumentaire doit être construit à partir des ressources disponibles mais également de leurs connaissances personnelles.
Ce 1er temps du jeu est particulièrement propice au développement des compétences psychosociales : capacité à analyser toutes les informations fournies et à prendre du recul ; capacité à mener le débat, à l’alimenter ; capacité à gérer le conflit en cas de désaccord ; capacité à écouter, à dialoguer, etc.
- PHASE 2 – prise de parole en continu de 2-3 min (exposé) où un porte-parole est nommé dans chaque conseil municipal pour exposer les arguments (sanitaires, économiques, écologiques…) recensés au sein du conseil qu’il représente. Comme il y a cinq inventions à discuter, et que nos 16 élèves sont répartis dans cinq villages, chaque élève est au moins une fois porte-parole du village auquel il appartient.
Ce 2nd temps du jeu mobilise les compétences orales : capacité à s’exprimer dans un langage adapté à la situation, à structurer son propos, à user du langage corporel pour l’animer, à être convaincant, etc.
- PHASE 3 – prise de parole en interaction de 5 min pour conduire un débat entre les différents villages, les uns tentant de convaincre les autres d’adopter ou de rejeter l’invention.
Ce 3ème temps du jeu permet de travailler les deux types de compétences : capacité à s’exprimer dans un langage approprié, à argumenter, écouter, dialoguer, se remettre en question, convaincre, etc.
Les inventions sont adoptées ou rejetées à la majorité. Elles impactent la santé, l’économie et l’environnement des villages, ce qui se traduit dans des scores qui varient d’un village à l’autre. Le scénario prévoit des rebondissements (par exemple, un communiqué du service des eaux de Saint-Eize informe d’une pollution inattendue de l’eau du lac de Saint-Hillemand par des métaux lourds) affectant ou non ces scores en fonction des inventions précédemment adoptées par la communauté d’agglomération.
Comme la première fois, tous les élèves se sont pris au jeu et leurs témoignages parlent d’eux-mêmes :
« Dans cette séance de Jouer à débattre, comparée à la première, j’ai trouvé que nous étions moins timides, plus directs, plus francs, plus spontanés dans nos échanges. Tout le monde semblait plus à l’aise. »
« J’ai trouvé la séance de Jouer à débattre très divertissante et drôle. En même temps, nous avons tous pris très au sérieux le rôle que nous avions à jouer, et nous avons tous fait l’effort de mobiliser les acquis de la Masterclass. »
« Lors du 1er Jouer à débattre au mois d’octobre, je ne parvenais pas à incarner mon personnage, à m’approprier les arguments que j’exposais. La pression était forte. C’était très différent cette fois-ci. J’avais le sentiment de mieux comprendre les enjeux et les ressources. J’avais plus de faciliter à communiquer avec mes camarades, à construire des arguments que je pouvais faire miens. Le scénario du jeu m’a aidée à développer mon esprit critique, à réfléchir aux conséquences de nos actes et à l’importance de prendre des décisions pour le bien commun. Par ailleurs, en tant que chimiste et physicienne, échanger avec une camarade de classe biologiste m’a permis d’enrichir ma culture dans un domaine qui m’est moins familier. »
Pour les enseignants, ce fut l’occasion d’apprécier les bienfaits des ateliers artistiques sur nos jeunes Padawan. Nous leur ferons très prochainement un bilan des progrès accomplis. À eux de jouer et de valoriser ces précieux acquis à l’occasion du mini-congrès des projets technologiques et surtout du Grand oral !
[1] Domaine de recherche interdisciplinaire qui crée des systèmes biologiques aux fonctions nouvelles
[2] Start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars, non cotée en bourse et n’appartenant pas à un grand groupe